L’e-commerce en quête de la livraison idéale
Depuis 2007, le marché de la livraison suit la croissance exponentielle de l’e-commerce pour atteindre, en 2014, 8 milliards d’euros. Sur l’ensemble de la chaîne logistique, de la livraison à l’acheminement des colis, la satisfaction et la fidélisation des clients exigent innovation et adaptation constantes.
Par Maëlle Becuwe – Chef d’entreprise n°92 – Octobre 2014
Le géant américain Amazon n’est plus le seul à croire en l’avenir des drones de livraison. Le 29 août dernier, Google annonçait la réussite du premier vol test, en Australie, de son prototype Project wing. Demain, ces robots volants enrichiront-ils le panel des offres proposées par les logisticiens ? Peut-être… à moins que ces derniers ne se tournent vers d’autres solutions, comme la livraison dans le coffre des voitures, la consigne ou encore la collecte en point de vente. « Il est difficile de prévoir les offres qui se développeront réellement dans les prochaines années et celles qui resteront au stade de « gadget » » , affirme Stéphane Tomczak, responsable de l’e-logistique pour la fédération de l’e-commerce, la Fevad.
Certaines, déjà, sortent du lot et ont intégré notre quotidien. Depuis janvier dernier, La Poste, en association avec Neopost, déploie ainsi, à Paris, ses consignes automatisées pour la livraison et le retour de colis et souhaite atteindre 1 500 terminaux d’ici 2016. Mais c’est le « click and collect », plébiscité, selon la Fevad, pour près d’un quart des achats sur Internet en 2014, qui connaît la plus grande croissance. Entre 2012 et 2013, le nombre d’acheteur retirant leur colis en magasin, à l’occasion des fêtes de fin d’année, a doublé.
Vaincre les freins au e-commerce
Autant de solutions qui cherchent, toutes, à remplir deux exigences : « La livraison du futur devra satisfaire le consommateur sur le lieu et sur le moment de la livraison, mais aussi être la plus transparente possible » , prédit Stéphane Tomczak. Car si l’e-commerce continue de gagner du terrain – avec une croissance de 12 % de son chiffre d’affaires en 2014 selon les prévisions de la Fevad, entraînant dans son sillage le marché de la livraison de colis actuellement estimé à 8 milliards d’euros en France –, il lui reste à relever deux défis. Le premier est la réduction de l’attente entre l’achat du produit et sa réception. À cet effet se développent les engagements de livraison en 24 h, voire en 2 ou 3 heures. Quant au second, il consiste à gagner en praticité, la réception de colis qui implique soit un déplacement (en point relais, consigne, magasin, etc.), soit un créneau horaire à domicile, étant contraignante et peu adaptée aux emplois du temps des consommateurs.
« Sur ce point, un système de messagerie très efficace se met en place avec la livraison interactive » , indique Éric Sarrat, président de la branche logistique du spécialiste en la matière, le groupe GT. La veille de la livraison, le destinataire reçoit un message l’informant du créneau de passage du livreur et peut, s’il le souhaite, soit en programmer un nouveau, soit choisir un autre mode de retrait de son colis. Résultat : un bond de 40 % du taux de livraison au premier passage. D’abord réservée aux grands logisticiens, cette pratique tend à se généraliser parmi les acteurs du marché. Chronopost l’a ainsi lancée en février 2013.
Loin de s’arrêter là, les logisticiens comptent encore améliorer la précision horaire des livraisons. Il s’agit pour eux de comprendre où et quand le consommateur souhaite être livré, sans avoir à le solliciter. Aujourd’hui, le niveau de traçabilité des colis, de l’ouverture du camion ou du container jusqu’au dernier kilomètre, permet de déterminer l’heure, au quart d’heure près, de la livraison. Couplés à des données sur les habitudes des destinataires, ces renseignements pourraient, bientôt, faciliter la rencontre du transporteur et de l’acheteur. « Avec le big data, on peut connaître les comportements usuels des clients, leur lieu d’habitation et de travail, leurs trajets et détours, notamment pour se rendre à l’école de leurs enfants ou au supermarché. On peut même les suivre grâce à leur smartphone. Si le transporteur dispose de ces informations, il peut être au bon moment au bon endroit pour livrer » , détaille Stéphane Tomczak.
Informer le destinataire
Au-delà d’améliorer la délivrance des colis, ces transformations numériques répondent à une demande croissante des consommateurs. D’après une étude réalisée par ComScore pour UPS en septembre 2013, 96 % des acheteurs en ligne européens considèrent les services de suivi pratiques, voire essentiels. Près des deux tiers souhaitent disposer d’un numéro de colis pour vérifier le cheminement de leur expédition. C’est d’ailleurs, pour 34 % d’entre eux, un facteur positif de recommandation. L’argument est de taille dans l’univers très concurrentiel de l’e-logistique. « De nombreux acteurs souhaitent se positionner sur ce marché en croissance, mais seuls ceux qui ont un très bon niveau de service tireront leur épingle du jeu » , souligne Jean-Baptiste Renié, fondateur d’Envoimoinscher.com, qui propose des tarifs de livraison négociés et exclusifs auprès de transporteurs.
À l’exigence fondamentale de la livraison de l’achat, sans dommage ni retard, s’ajoute ainsi celle de transmettre au consommateur un maximum d’informations sur l’acheminement de son colis. Si ces données existent et sont disponibles pour l’e-commerçant, le prestataire logistique et le transporteur, reste encore à les faire descendre jusqu’au dernier échelon, et pourtant premier maillon de la chaîne : le client.
Trois questions à…
Remi Vicente, chef de projet chez Xerfi
Vous êtes l’auteur de plusieurs études (1) sur la logistique et l’e-logistique. Quel est l’état actuel du marché ?
En cinq ans, on a assisté à l’essor de nombreux petits prestataires spécialisés dans l’e-logistique. Mais depuis 2012, ces acteurs sont rachetés par les grands groupes : Orium et Morin par La Poste, ADS par Rakuten, CEPL et France Paquets par ID Logistics… Dans 10 ans, l’e-logistique sera entre les mains des grands opérateurs de l’envoi, du courrier et des expressistes comme La Poste, DHL ou UPS, ainsi que des spécialistes de la vente à distance positionnés sur le marché, comme le groupe 3Suisses ou encore La Redoute. Les petits, eux, doivent trouver leur équilibre pour survivre, notamment en se positionnant sur des projets de taille intermédiaire.
Quels leviers les e-logisticiens devront-ils activer pour répondre aux besoins de leurs clients ?
Le nerf de la guerre de l’e-logistique, c’est le suivi des commandes : pour le logisticien, qui en gère beaucoup et de petite taille, pour le donneur d’ordres, qui gère ses stocks et ses offres en ligne, et pour le client, qui demande ce service à son e-commerçant. L’une des attentes du client est de disposer de divers modes de transport et de livraison, ainsi que la possibilité de modifier ses critères une fois la commande expédiée. Autant d’exigences qui nécessitent, de la part des e-logisticiens, réactivité et flexibilité.
De quels moyens disposent-ils pour relever ces défis ?
Du numérique ! Dans l’entrepôt, l’informatique embarquée optimise la collecte des articles, les parcours de préparation des commandes et le conditionnement final. Une refonte des systèmes d’information, elle, décloisonne les données entre les logiciels de gestion intégrée, de gestion d’entrepôt ou de suivi de transport et facilite la communication entre les différents maillons de la chaîne. Enfin, le big data fait également son entrée dans l’équation, avec des acteurs en avance, comme DHL et UPS, qui intègrent des données comme le trafic ou la météo en temps réel pour optimiser le circuit de livraison.
(1) « Les prestataires logistiques en France – Face aux défis de l’automatisation, du numérique et du comanufacturing », juin 2014, et « Le dernier kilomètre dans la logistique du e-commerce – De la massification des flux à la relation client », septembre 2013.